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OAF Curated Space | J'aimerais pouvoir parler en Technicolor : Visions d'Eugene Von Bruenchenhein

sous le commissariat de Maurizio Cattelan et Marta Papini

OAF Paris 2022

15 – 18 septembre

OAF Curated Space | J'aimerais pouvoir parler en Technicolor : Visions d'Eugene Von Bruenchenhein
OAF Curated Space | J'aimerais pouvoir parler en Technicolor : Visions d'Eugene Von Bruenchenhein
Eugene Von Bruenchenhein (1910 - 1983)

Infos pratiques

J'aimerais pouvoir parler en Technicolor :
Visions d'Eugene Von Bruenchenhein

sous le commissariat de Maurizio Cattelan et Marta Papini

Le 20 mai 1910, la Terre a traversé la queue de la comète de Halley, l’unique comète régulièrement visible à l’œil nu depuis la Terre. Et par conséquent la seule comète visible à l’œil nu pouvant apparaître deux fois dans le temps d’une vie humaine. Pour la première fois, la courte période d’approche de la comète fut documentée grâce à un procédé photographique mis au point par les scientifiques de l’observatoire Yerkes à Williams Bay dans le Wisconsin. Un peu de poussière d’étoile s’est peut-être déposée sur Eugene Von Bruenchenhein, né le 31 juillet de cette même année aussi dans le Wisconsin.

Quarante ans plus tard, le 19 avril 1954, un autre phénomène extraordinaire s’est répandu à travers le monde en couverture de Life magazine. On y voyait des photographies déclassifiées, en couleur, des essais nucléaires menés par les USA dans les îles Marshall. Pour la première fois, l’immense nuage rouge en forme de champignon faisait son apparition officielle dans la culture populaire.

Jusque-là, la veine artistique acharnée d’Eugene Von Bruenchenhein avait trouvé son expression dans des portraits photographiques en noir et blanc et des diapositives en couleur de son épouse Marie (née Evelyn Kalka), inspirés de l’esthétique des magazines de pinups contemporains. Sur les milliers de photos prises devant différents arrière-plans floraux, dans la même petite maison, Marie interprète et joue différents rôles et stéréotypes : de la séductrice dévêtue à la glamoureuse star hollywoodienne, en passant par la reine couronnée d’une île lointaine.

Mais à partir de 1954, les photos en couleur des essais nucléaires impressionnent l’imagination enfiévrée d’Eugene Von Bruenchenhein. A tel point qu’il délaisse les objectifs photographiques pour des planches en aggloméré ou des morceaux de carton pris dans la boulangerie où il travaille. Au cours de la décennie suivante, utilisant ses doigts, des bâtons, des peignes, du carton, des feuilles, du papier froissé et même des pinceaux faits avec les cheveux de Marie, Von Bruenchenhein peint des visions surréalistes et apocalyptiques, des créatures sauvages imaginaires venues des fonds marins, des galaxies encore à découvrir, des feux d’artifice et des villes envahies par la végétation. 

Entre 1954 et 1964, au rythme d’une par jour, Von Bruenchenhein tient un journal de bord sous la forme d’une série de peintures, créant presque l’impression d’un récit. Son voyage, inspiré d’abord par les photos des essais nucléaires, se poursuivra ensuite en descendant le long de la lunette de son microscope et la découverte de mystérieux organismes dans une goutte d’eau, repartant de nouveau vers le ciel, qu’il parvint à explorer à travers les lentilles d’un télescope astronomique acheté en 1957.

Dans la peinture datée du 5 mai 1956, la puissance destructrice de la bombe nucléaire est évoquée par la représentation de cercles concentriques multicolores se dressant au-dessus d’un paysage de ville en arcades sur le point d’être pulvérisée par l’impact hypersonique, tel que l’imaginaient beaucoup de films de science-fiction de l’époque.





Le 1er janvier 1957, deux créatures dentées, dont l’aspect semble inspiré par les dragons chinois, entrelacent leurs queues afin de mieux naviguer sur une masse liquide, dense et nébuleuse peuplée d’autres organismes. Ils semblent être dans une relation symbiotique qui pourrait faire écho au type de parenté évoqué par Donna Haraway 60 ans plus tard.

Von Bruenchenhein étudia la botanique et affirma souvent qu’il était horticulteur. Du 1er septembre 1959 au 1er juin 1960 il peint une vaste série d’entités tentaculaires dérivant dans un cosmos multicolore et dégoulinant qui rappelle les dessins d’invertébrés et de plantes tels que représentés par le biologiste Ernst Haeckel dans l’ouvrage Art Forms in Nature en 1899.

De la même façon que Ridley Scott imagina un progéniteur de la Terre dans son film de 2012 Prometheus, Von Bruenchenhein consacra toute une série de ses peintures à ce qu’il appela le Premier Monde, une planète qu’il croyait s’être détachée de la nôtre lors d’un événement cataclysmique ayant eu lieu des siècles auparavant. Le dernier tableau de l’exposition clôt le cycle : le 12 avril 1960 le pouvoir dévastateur de la bombe nucléaire est encore une fois le protagoniste incontesté des préoccupations de Von Bruenchenhein, dépeint comme une gigantesque détonation enflammée.

Dans les années 1960, forcé de prendre sa retraite précocement à cause d’une affection respiratoire causée par l’inhalation de farine alors qu’il travaillait comme fabriquant de donuts, Von Bruenchenhein commence à travailler avec une matière moins couteuse que la peinture à l’huile. A l’aide de règles, de perroquets et d’autres instruments de dessin il utilise le stylo bille pour dessiner des géométries symétriques qui évoquent des édifices en forme de temples, des vaisseaux spatiaux, des oiseaux et des imageries florales qu’il colle dans un très grand catalogue d’échantillons de papiers peints.

S’il est vrai que cet immense corpus d’œuvres d’art requiert une façon d’être contemplative, notamment car il implique de naviguer à travers les images hallucinatoires d’un monde intérieur et intime, les titres des œuvres, en affirmant clairement le jour précis où elles furent créées, suggèrent un niveau de lecture plus conceptuel. A tel point, que nous pourrions supposer que cet élan archivistique est une façon d’examiner le temps chronologique et sa fonction de mesure de l’existence humaine.

Von Bruenchenhein collabora à sa mythologie personnelle en partageant des peurs nouvelles – et très contemporaines – d’une catastrophe planétaire. Ses œuvres d’art reflètent les influences du micro et du macro, et par leur combinaison de visions individuelles et d’événements mondiaux, elles témoignent de la façon dont la durée d’une vie humaine fait partie de l’histoire de l’humanité.

Eugene Von Bruenchenhein mourut en 1983 : la comète de Halley ne ferait son retour dans le ciel que trois ans plus tard en 1986, mais, à travers son art, il fut capable d’envisager ses prochains passages pour les siècles à venir.


Maurizio Cattelan (Italie, 1960) est l'un des artistes italiens les plus connus au monde. Tout au long de ses trente années de carrière, son travail met en lumière les paradoxes de la société et analyse des scénarios politiques et culturels avec profondeur et perspicacité.

Par l'utilisation d'images iconiques et d'un langage visuel caustique, ses œuvres suscitent des débats publics passionnés et encouragent un sentiment de participation collective. Ses expositions individuelles ont été présentées par des institutions d’envergure internationale, notamment l'UCCA de Pékin (2022), le Pirelli Hangar Bicocca, de Milan, en Italie (2021), le palais Blenheim, à Woodstock, au Royaume-Uni (2019), la Monnaie de Paris (2016), le Musée Solomon R. Guggenheim de New York (2016 et 2011), la Fondation Beyeler, Riehen/Bâle (2013), le Palais royal de Milan (2010), le KUB, musée d’art de Brégence, en Autriche (2008), le MMK, musée d'art moderne et contemporain de Francfort (2007), la Fondation Nicola Trussardi, Milan (2004), le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris (2004), le MOCA, musée d’art contemporain de Los Angeles (2003), le musée Ludwig, à Cologne (2003), le musée d’Art contemporain de Chicago (2002). Cattelan a également participé à d'importantes expositions collectives, comme la Triennale de Yokohama (2017 et 2001), la Biennale de Venise (2011, 2009, 2003, 2001, 1999, 1997 et 1993), la Biennale de Gwangju (2010), la Biennale de Sydney (2008), la Biennale du Whitney, New York (2004), la Biennale de Séville (2004), la Biennale de Lyon (2003) et le Skulptur Projekte (Projets de sculptures) de Münster (1997). Finaliste du prix Hugo Boss attribué par le musée Guggenheim (2000), l'artiste a reçu le prix de la Quadriennale de Rome (2009), le prix Arnold-Bode de Cassel (2005), un diplôme honorifique en sociologie de l'Université de Trente (2004) et le titre de professeur honoraire de sculpture de l'Académie des Beaux-Arts de Carrare (2018).

Marta Papini (Italie, 1985) est la directrice artistique de la 59 e exposition d’art international de la Biennale de Venise, intitulée The Milk of Dreams (Le lait des rêves) (2022), dont la commissaire est Cecilia Alemani.

Récemment, Marta Papini était commissaire de l’exposition Lonely Are All Bridges (Seuls sont tous les ponts) qui présentait les œuvres de Birgit Jürgenssen et de Cinzia Ruggeri à la Galerie Hubert Winter de Vienne (2021) et a organisé Il mondo magico (le Monde magique), le Pavillon italien de la 57 e édition de la Biennale de Venise (2017, dont la curatrice était Cecilia Alemani) ; elle était également co-commissaire de The Artist is Present (l’Artiste est présent), au Yuz Museum de Shanghai (2018, avec Maurizio Cattelan).

Papini a passé plusieurs années au département de la conservation du Centre Pecci, de Prato, en Toscane, où elle a organisé des expositions en solo du travail d'Aleksandra Mir (2018), Eva Marisaldi (2019) et Mark Wallinger (2018) ainsi que l'exposition collective Protext ! (2021) avec Camilla Mozzato. En tant que freelance, Papini a été commissaire de la 16 e Quadriennale de Rome, Altri tempi, altri miti (Autres temps, autres mythes) (2016) et de Shit and Die (Merde et meurs) à Turin (2014, avec Myriam Ben Salah et Maurizio Cattelan).

Papini a édité et coordonné plusieurs publications et catalogues auxquels elle a aussi contribué : The Milk of Dreams (Le Lait des rêves) (Biennale de Venise, 2022), Birgit Jürgenssen : I am (Je suis) Prestel, 2019) ; Il mondo magico (Le Monde magique) (publié chez Marsilio, 2017) ; Suzanne Lacy : Gender Agendas (Les agendas du genre) (Éditions Mousse, 2015) ; Shit and Die (Éditions Damiani, 2014) ; 1968 : Radical : Italian Design (1968 : Radical : le design italien) (Fondation Deste, 2014). Elle a collaboré avec des magazines tels que Icon Design, Purple, Flash Art et L'Uomo Vogue. Elle écrit actuellement des articles sur l'art contemporain dans le magazine Icon et Il Post.

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